Il fait un froid cristallin ce soir, l'air est piquant d'hiver. Emmitouflée, je sens à chaque pas rougir mon nez. Le froid prend tout ce qui dépasse ; il lui faut se faire voir, se faire sentir. Au-dessus des arbres nus, griffus contre le ciel bleu sombre, brillent la Lune et une étoile. Elles ne se quittent pas, une larme de diamant au-dessus d'un sourire. C'est une lune fine, croissant formant un "D", une Lune de rognure d'ongle comme j'aime le remarquer ; ou un sourire de chat de Cheshire, une entaille, en tout cas une marque étincelante sur la nappe de velours dont les teintes s'assombrissent et se fondent peu à peu dans la nuit.
Je ne peux détacher mes yeux de cette forme brillante comme issue d'un conte, et de son étoile acolyte. Si brillants, ces astres au-dessus de ce monde y font triompher le rêve. J'inspire à pleins poumons l'air glacé, mon nez en l'air brûlant de froid. Je savoure cette nuit d'hiver. Comme tout change, quand le ciel est dégagé ! Aujourd'hui, la grise chappe nuageuse qui assombrissait un hiver maussade et inerte depuis plusieurs semaines s'est évanouie, chassée par un soleil vainqueur. Les cieux sont restés clairs quand la Lune s'est levée avec sa modeste escorte, l'Etoile du Berger ; et au-dessus de moi l'espace s'étire à l'infini, dans une pureté de glace. Le froid ce soir me donne envie de musique, de lumières sautillantes, de repas entre amis. Je préfère ce froid net, l'arrête coupante d'une Lune incisive et une nuit piquante née d'un jour éclatant, aux nuées molles et trompeuses qui gardent clémentes les températures en apparence, mais qui piègent les humeurs dans leurs voiles humides. Bonsoir le soir, l'étoile, bonsoir la Lune, ; je rentre au chaud, avec au cœur son sourire d'argent.
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